L’IA révèle une tendance inquiétante en Arctique
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Depuis 1979, l’Arctique s’est réchauffé près de quatre fois plus vite que la moyenne mondiale. L’archipel du Svalbard, au large de la côte nord-est du Groenland, subit un changement climatique encore plus rapide, se réchauffant jusqu’à sept fois plus vite que le reste de la planète.
Plus de la moitié du Svalbard est recouverte de glaciers, et leur fonte totale entraînerait une élévation du niveau de la mer de 1,7 cm. Bien que cela ne se produise pas du jour au lendemain, les glaciers de l’Arctique sont extrêmement sensibles aux moindres variations de température.
Pour mieux comprendre les glaciers du Svalbard et d’autres régions, nous avons utilisé un modèle d’IA pour analyser des millions d’images satellite des quatre dernières décennies. Nos résultats, publiés dans Nature Communications, révèlent que ces glaciers rétrécissent à un rythme accéléré, en cohérence avec les tendances du réchauffement climatique mondial.
Le rôle des glaciers terminant en mer dans l’écosystème du Svalbard
Nous nous sommes concentrés spécifiquement sur les glaciers qui se déversent directement dans l’océan, appelés « glaciers terminant en mer ». La plupart des glaciers du Svalbard appartiennent à cette catégorie. Ces glaciers jouent un rôle crucial dans l’écosystème, agissant comme une pompe dans les fjords en transférant de l’eau de mer riche en nutriments vers la surface de l’océan et en influençant les courants océaniques.
L’importance du détachement des icebergs dans la perte de masse des glaciers
À l’endroit où ces glaciers rencontrent la mer, ils perdent principalement de la masse par le détachement des icebergs, où de grands morceaux de glace se détachent du glacier et tombent dans l’océan. Comprendre ce processus est crucial pour prédire avec précision la perte future de masse des glaciers, car le détachement peut accélérer l’écoulement de la glace à l’intérieur du glacier et, finalement, dans la mer.
Malgré son importance, l’étude du processus de détachement a été un défi de longue date en glaciologie, car il est difficile d’observer et de modéliser avec précision. Cependant, en analysant les données passées, nous pouvons obtenir des informations sur les tendances futures.
Traditionnellement, la cartographie du front de détachement des glaciers—la frontière entre la glace et l’océan—implique que les chercheurs passent en revue manuellement les images satellite et créent des archives numériques. Cette méthode est laborieuse, inefficace et souvent incohérente, car différentes personnes peuvent interpréter la même image de manière variable. Avec le grand nombre d’images satellites disponibles aujourd’hui, il est impraticable de s’appuyer sur des ressources humaines pour cartographier chaque région annuellement.
Une approche plus efficace consiste à utiliser des outils automatisés comme l’intelligence artificielle (IA), qui peut rapidement détecter les motifs des glaciers sur de vastes zones.
Dans notre étude récente, nous avons utilisé l’IA pour analyser des millions d’images satellite de 149 glaciers terminant en mer, prises entre 1985 et 2023. Cela nous a permis d’examiner les reculs des glaciers à une échelle sans précédent et avec plus de détails.
Nous avons constaté que 91 % des glaciers terminant en mer du Svalbard se sont considérablement réduits. Depuis 1985, plus de 800 km² de glaciers ont été perdus—une superficie plus grande que celle de New York. Cela correspond à une perte annuelle de 24 km², soit presque deux fois la taille de l’aéroport de Heathrow à Londres.
Une année de réchauffement extrême et de taux de détachement record
L’augmentation la plus significative des taux de détachement a eu lieu en 2016, lorsque ces taux ont doublé en raison de périodes de réchauffement extrême. Cette année-là, le Svalbard a connu son été et son automne les plus pluvieux depuis 1955, avec un record de 42 mm de pluie tombés en une seule journée en octobre. Cela s’est accompagné de mers inhabituellement chaudes et sans glace.
En plus du recul à long terme, ces glaciers connaissent également des fluctuations saisonnières, reculant en été et avançant à nouveau en hiver, souvent de plusieurs centaines de mètres—parfois plus que les changements observés d’une année sur l’autre.
Notre recherche a révélé que 62 % des glaciers du Svalbard subissent ces cycles saisonniers. Bien que ce comportement soit bien documenté au Groenland, il n’avait été observé que sur quelques glaciers du Svalbard, généralement par numérisation manuelle.
Retrait saisonnier des glaciers lié aux variations de la température de l’océan
Nous avons ensuite comparé ces changements saisonniers avec les variations des températures de l’air et de l’océan. Nous avons découvert qu’à mesure que l’océan se réchauffait au printemps, les glaciers commençaient immédiatement à reculer. Cela a fourni une forte preuve d’une croyance scientifique de longue date : les fluctuations saisonnières de ces glaciers sont influencées par les variations de la température de l’océan.
Le Svalbard connaît fréquemment des extrêmes climatiques en raison de sa position unique dans l’Arctique, proche des eaux chaudes de l’Atlantique. Nos résultats suggèrent que les glaciers terminant en mer sont particulièrement sensibles à ces extrêmes climatiques, les taux de recul les plus significatifs ayant eu lieu ces dernières années.
Ce type de glacier se trouve dans tout l’Arctique, notamment autour du Groenland, la plus grande masse de glace de l’hémisphère nord. Les changements observés sur les glaciers du Svalbard sont susceptibles de se produire dans d’autres régions.
Si la tendance actuelle au réchauffement climatique se poursuit, ces glaciers continueront de reculer à un rythme accéléré, contribuant à l’élévation du niveau de la mer et représentant une menace pour des millions de personnes vivant dans les zones côtières du monde entier.
Lisez l’article original sur : Science Alert
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