Une molécule de métal lourd pourrait révéler les secrets des déchets nucléaires

Depuis sa première synthèse dans un laboratoire américain après la Seconde Guerre mondiale en 1949, le berkélium s’est distingué dans le tableau périodique, défiant la mécanique quantique en adoptant une charge positive supplémentaire que ses éléments apparentés évitent généralement.
Aujourd’hui, des scientifiques du Lawrence Berkeley National Laboratory – le berceau du berkélium – ont réussi à lier cet élément insaisissable au carbone, créant un complexe organométallique rare. Cette avancée permettra une étude plus approfondie des propriétés uniques du berkélium.
En raison des défis liés à sa production et à sa manipulation en toute sécurité, peu de chimistes ont eu l’occasion de travailler avec lui. Un seul gramme coûte environ 27 millions de dollars, bien que cette expérience n’ait nécessité que 0,3 milligramme de berkélium-249. Comme les éléments lourds et radioactifs sont difficiles à analyser isolément, la formation d’un complexe organométallique simplifie le processus. Ces composés, connus pour leur haute symétrie et leurs liaisons covalentes fortes avec le carbone, offrent une meilleure compréhension de la structure électronique d’un atome.
Cependant, la molécule obtenue est si réactive à l’air que seuls quelques laboratoires dans le monde peuvent la manipuler en toute sécurité. Ce nouveau composé, appelé « berkélocène », reflète la structure du ferrocené. Au lieu d’un noyau de fer, des ions de berkélium sont pris en sandwich entre deux anneaux carbonés, formant un complexe organométallique. En étudiant cette structure, les chercheurs espèrent mieux comprendre le berkélium et son comportement potentiel dans les déchets nucléaires.
Des décennies de progrès dans la liaison du carbone aux actinides

La structure aux rayons X du berkélocène montre un ion Bk(IV) pris en sandwich entre deux ligands cyclooctatétraène substitués. (Stefan Minasian/Berkeley Lab)
Depuis des décennies, les chimistes cherchent à lier les 15 actinides radioactifs à des structures à base de carbone. Cet effort a commencé lorsque l’uranium a été stabilisé sous la forme thermodynamiquement favorable de l’uranocène. Dans les années 1970, des complexes similaires ont été synthétisés : le thorocène à partir du thorium, le protactinocène à partir du protactinium, le neptunocène à partir du neptunium et le plutonocène à partir du plutonium. Plus récemment, des actinides encore plus lourds, comme l’américium et le californium, ont été intégrés dans des structures organométalliques.
Pourtant, le berkélium, élément 97, était resté hors de portée—jusqu’à maintenant.
« C’est la première fois que nous confirmons une liaison chimique entre le berkélium et le carbone », explique Stefan Minasian, chimiste du Berkeley Lab. « Cette découverte améliore notre compréhension de la manière dont le berkélium et d’autres actinides se comparent à leurs voisins du tableau périodique. »
En stabilisant le berkélium sous cette forme, l’équipe a testé sa structure électronique grâce à la spectroscopie ultraviolet-visible-proche infrarouge. Minasian souligne que les prédictions traditionnelles du tableau périodique suggéraient que le berkélium se comporterait comme le terbium, un lanthanide. Cependant, contrairement à son homologue lanthanide, le berkélium préfère un état de charge ‘+4’. Cela indique que la molécule organométallique est maintenue par des liaisons ioniques—similaires à une attraction magnétique—plutôt que par des liaisons covalentes plus fortes.
La diffraction des rayons X sur monocristal a également révélé comment le berkélium est positionné entre deux anneaux carbone-hydrogène, confirmant sa liaison avec les atomes de carbone.
Comprendre le comportement des actinides plus lourds comme le berkélium est essentiel pour relever les défis liés au stockage et au traitement à long terme des déchets nucléaires. Alors que ces éléments synthétiques instables continuent de s’accumuler, les connaissances issues de ces recherches pourraient s’avérer cruciales pour gérer leur impact à long terme.
Lire l’article original : Science Alert
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